Mamadou Abdoul Diagne est ingénieur en système de production et logistique, il a fait ses études à l'école des Mines de Paris et a obtenu un Executive MBA à HEC Paris. Directeur des opérations de Afrilog Mali depuis 10 ans, il est depuis 2018 Président de l’Alliance des fournisseurs et prestataires miniers.
Quel est le rôle de l’alliance ?
Son rôle est de fédérer et de promouvoir la fourniture locale au Mali. L’Alliance a été créée depuis 2018 et nous tentons de fédérer l’ensemble des acteurs de la prestation des biens et services miniers au Mali.
L’initiative est venue de l’Ambassade du Canada avec d’autres acteurs locaux et on m’a fait l’honneur de me donner la présidence de l’Alliance ces deux dernières années.
Quels sont les objectifs de l’AFOPREM ?
Il y en a plusieurs, le principal est de faire connaître les prestataires de biens et services au Mali, de les fédérer et les professionnaliser avec un certain label de qualité pour pouvoir attirer les différentes sociétés minières de la place.
Combien de membres êtes-vous et quels sont les profils ?
Nous comptons une vingtaine de membres, de profils divers et tendons à nous agrandir. Par exemple, à Afrilog, nous sommes une centrale d’achat et évoluons comme d’autres dans la logistique, il y a des sociétés dans les BTP, d’autres dans le domaine juridique, l’informatique, la communication. Il s’agit de tous les cœurs de métiers travaillant avec les sociétés minières.
Quelle est la plus grande fierté de l’AFOPREM ?
La plus grande fierté c’est d’avoir pu concrétiser la création de l’Alliance, d’avoir pu la faire reconnaître au niveau du ministère des Mines et avoir tissé un partenariat avec ce ministère avec qui nous avons eu un bon accompagnement, ainsi qu’avec plusieurs sociétés minières qui commencent à nous reconnaître. C’est comme s’il y avait une attente, un vide puis tout le monde a sauté sur l’occasion et cela a facilité les choses.
Quelles sont les différentes actions que vous projetez de mener ?
En Septembre, nous comptons organiser la Journée du Fournisseur Minier au Mali. Cela doit se tenir avant les JMP. Au-delà de cela nous avons comme objectif la labellisation des membres de l’Alliance et aussi la création d’une base de données de l’ensemble des fournisseurs et prestataires miniers, qui sera finalisée et mise en ligne dans les prochaines semaines et que nous faisons en collaboration avec le Ministère.
A quelle difficulté AFOPREM fait face ?
Il y a une mauvaise compréhension de ce que fait l’Alliance des fournisseurs et prestataires miniers du Mali. Certains pensent qu’elle doit partir d’un seul bloc pour aller à la recherche de marchés au sein des mines alors qu’elle est là pour promouvoir les sociétés et leurs activités et chacune d’elles avec l’appui de l’Alliance peut attaquer les marchés mais l’Alliance n’est pas une société. La deuxième difficulté que l’on a eue et que l'on continue d’avoir de temps en temps c’est que des gens du même secteur d'activité se retrouvent dans l'Alliance. Ce qu'on leur explique, c'est qu'il n’y a pas de concurrence, chacun a son marché, chacun a son savoir-faire et c’est ensemble qu'on se développe. La question qu’on leur pose c’est est-ce qu’ils préfèrent avoir 100 % de 10 millions ou 10 % de 1 milliard.
Et quelles sont les relations que vous entretenez avec l’Etat ?
Dès le début l’Etat nous a accepté. Le Mali a une longue tradition minière, l'Alliance des fournisseurs existait dans tous les pays sauf au Mali. Une fois que ça a été créée en 2018, c’était une attente de l'État et depuis ce jour-là, il n’y a pas d'activités autour des mines et des sociétés minières qui se passe sans l'Alliance et on a une très bonne collaboration avec eux d’ailleurs nous faisons partie de la commission sur le local content et ça a été acté dans le code minier.
Et concernant vos besoins pour pouvoir renforcer vos activités ?
Les besoins sont de fédérer un peu plus de monde, que les gens comprennent qu'il faut adhérer à l'Alliance comme dans tous les autres pays et on a eu à faire plusieurs missions dans différents pays de la sous- région et à l’étranger. On aimerait bien arriver à un modèle par exemple comme au Canada. Aujourd'hui pour tout ce qui est fourniture de biens et services là-bas, les sociétés minières contactent la principale alliance de fournisseurs miniers qui se charge de faire le dispatch des différents appels d'offres. On veut tendre vers cela et la deuxième chose en fait, c'est de promouvoir l'ensemble des membres de l'Alliance pour avoir de plus en plus de parts de marché dans tout ce qui est fourniture locale de biens et de services. Aujourd'hui il faut savoir que si on prend les chiffres grosso modo au Mali, hors carburant, il n’y a que 10 % du chiffre d'affaires global de fournitures de biens et services qui est réalisé au Mali, tout le reste est fait internationalement.
A quoi est-ce dû ?
Alors il y a plusieurs facteurs, il y a tout ce qui est réglementaire, des problématiques de taxe, de technicité. Si je prends la fourniture de biens, un des freins qu’il y avait à l’époque c’était que quand une société minière vient, elle est exonérée alors qu’un fournisseur local lui a déjà dû payer les droits de taxes et de douanes sur son produit, donc il ne peut pas être compétitif. Nous avons discuté avec le ministère pour mettre des mécanismes de compensation de taxe éventuellement. Ensuite, il y a certaines choses qu'on n’arrive pas à fournir localement. Bon après, il faut toujours apprendre et se développer pour le faire parce ça reste du commerce et le Mali étant enclavé, que ce soit importé ou que ce soit des locaux qui le fassent, ça reste de l'importation mais encore faut-il savoir quoi importer, où importer, il y a une problématique de coûts et de délais et des difficultés de financement des opérateurs locaux qui est liée à la structure des banques au Mali, pour un financement dans une banque, on va vous demander des garanties et je pense que ces garanties-là, on le sait tous, ça va être des titres fonciers. Et aussi les taux sont très élevés. Si on fait des financements à 9, 10, 12% quelle marge le fournisseur va mettre pour pouvoir vendre à la mine ? Donc si on ne fait pas attention, très rapidement les gens ne sont plus compétitifs. On a certaines sociétés minières avec lesquelles on travaille, qui sont prêtes à préfinancer certaines activités. Normalement, il faudrait qu'il y ait plus de banques d’affaires qui pourraient préfinancer sur la base du bon de commande et réduire les taux d'intérêt, il y a certaines banques qui essaient de le faire mais lorsque cela atteint certains montants ça bloque.
Quelles sont les opportunités d’affaires dans ce secteur ?
En termes d’achats, dans une mine c’est presque 20 000 références d’articles qu'ils achètent, des mouchoirs jusqu’à la machine. Rien n’est produit localement, tout est importé. Donc on peut tout faire parce que rien n’est fabriqué ici. Donc à part les machines, leurs pièces détachées et l’entretien pour lesquels il y a déjà des contrats, tout ce qui est produit pour une mine, les Maliens peuvent le fournir, tout est possible. Nous par exemple nous achetons du ciment localement, après il y a différents types et actuellement nous sommes en discussion avec des usines pour qu’elles puissent produire le ciment laitier, localement qui consomme deux fois moins mais qui n'est pas produit ici.
Comment voyez-vous le secteur minier dans 10 ans ?
On parle du secteur minier au Mali on ne pense qu’aux mines d’or alors qu'il y a beaucoup d'autres ressources qui sont inexploitées sur les mines d'or qui existent actuellement et sur leur développement je pense qu'elles en ont toutes pour 15-20 ans. Je pense que le secteur minier va croître. Ensuite il y a tout ce qui est minerai de fer qui est en train d’être exploité, il y a beaucoup d'autres recherches qui sont en cours. Je pense qu'il y a de très belles perspectives.
Enfin vous connaissez déjà Mali Mining Event, que pensez-vous de cette initiative et comment cela peut être un atout pour l’AFOPREM ?
Avant la création de l'événement. On a discuté, on a été parties prenantes de Mali Mining depuis le premier jour, c'est un dispositif que l’on encourage, une initiative que l’on salue, on essaie de pousser au maximum pour que l'activité ait lieu tous les mois et je pense que cela va faire connaître le secteur minier au Mali et faire « dégrossir » la chose. Les gens pensent que c'est quelque chose de compliqué ou d'inaccessible mais avec le Mali Mining Event et les différents thèmes qui sont abordés, ça permet aux gens en fait de voir tout ce que le secteur minier apporte au Mali tout ce que ça peut apporter aux entreprises locales.
Avez-vous un message de fin ?
Alors le message de fin pour moi serait sur tout ce qui est fourniture de bien et service local. Je pense que les acteurs maliens ont un rôle à jouer. Il ne faut pas s'attendre à ce que les entreprises minières qui sont là nous donnent leur volume comme ça, sans se rassurer de notre technicité, de la maîtrise et de la qualité de ce qu'on peut produire. Je pense qu’il y a des choses qui se mettent en place. Il y a des sociétés organisées, structurées qui commencent à avoir de belles parts de marché. Ce que je demande à ces sociétés-là, à Afrilog c’est ce que nous faisons, c’est de développer les jeunes pousses ou les autres sociétés pour qu'ensemble on puisse gagner de plus en plus de parts de marché. Aujourd'hui Afrilog est une société internationale mais Afrilog Mali a décidé de ne travailler qu’avec des fournisseurs locaux. Nous faisons 100% de nos achats localement. On peut importer nous avons des sociétés en Europe, en Afrique du Sud mais on travaille qu'avec des fournisseurs locaux que nous tendons à développer. S’ils ont des besoins de formation, nous les assistons, s’ils ont des besoins particuliers on les assiste pour qu'ils se développent. Il y a 10 ans, on travaillait avec environ 80 fournisseurs locaux, aujourd’hui on a plus de 100 fournisseurs locaux dans notre base avec des chiffres d'affaires qui croissent tous.
T-MAK vous remercie vivement d’avoir parcouru l’article de Mali Mining News
@T-MAK @MALIMININGNEWS